Amélie Barnathan

Des jeunes filles jouant dans une sorte de farandole infinie. Jupettes rouges et socquettes de rigueur. Les corps élancés, offerts aux regards, portent déjà les stigmates d’une féminité à venir. Rien de scandaleux si ce n’est des poses affichant une sexualité balbutiante, libératrice. Leur émancipation prend la forme de rondes, de menuets, de gestes s’accordant avec grâce à une nature exubérante. Les couleurs acidulées donnent une infinie douceur à la représentation. Au loin, quelques massifs montagneux ponctuent l’horizon. Une ombre terrible traverse pourtant la frise dans le corps supplicié d’autres jeunes filles. Une violence insoutenable est là, présente. Tortures, éventrements, empalements, membres ouvert, entrailles révélées, sang répandu, membres brisés. Et toutes s’amusent de cette barbarie vécue comme un divertissement. Ici et là, quelques monstres habilement cachés dans la foule répondent à des cranes géants d’animaux antédiluviens servant d’aire de jeu pour des exécutions délicates. Ce qui nous est montré est un théâtre de la cruauté, de la joie aussi. Eros et Tanatos dans un même mouvement.

L’art de cette jeune artiste diplômée du RCA (Royal College of Arts, Londres) en 2016 questionne presque psychanalytiquement sur les conditions de construction de l’identité, notamment dans sa dimension sexuelle. Car ne nous trompons pas, ces personnages restent des variations d’une figure générique : une femme basculant de l’enfance à l’adolescence avant d’atteindre le monde des adultes. Chacune devient tour à tour bourreau puis victime dans une ronde sans fin ou les rôles ne cessent de s’inverser. L’extase y conditionne la souffrance. Il y a donc dans ces figures tout autant un portrait symbolique – celui d’Amélie Barnatan - que l’esquisse d’une vision universelle sur l’inconscient féminin en Occident.

Mais la force de ce travail tient tout autant dans un va et vient avec la grande et petite histoire de l’art. Pour qui sait faire attention, ces dessins sont hantés par des figures de femmes possédées qui irriguent l’imaginaire occidentale depuis l’antiquité. On y retrouve les Ménades – ces femmes qui célébraient le culte de Dionysos – mais aussi la riche iconographie liée à la sorcière, le bestiaire de Jérôme Bosch ou même ces tableaux classiques représentant quelques saintes en béatitude devant la présence divine. Quant à Henry Darger (mort en 1973), artiste dessinateur dont on la rapproche le plus, il demeure simplement une vague référence notamment par le caractère ouvertement pervers et fétichiste de ses figures.

Depuis 2018, elle est représentée par la Galerie 8+4 à Paris et a participé à plusieurs foires d’art contemporain : Fiac, Art Paris, Luxembourg Art Week. Son travail est présent dans plusieurs collections françaises et internationales.

Amélie Barnathan est née en 1991. Elle vit et travail à Londres.

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