Guillaume Millet / Une peinture à double fond

Exposition à la Galerie 8+4 du 12 mai au 1er juillet 2023, vernissage le vendredi 12 mai de 17h30 à 21h. 

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Guillaume Millet est peintre et dessinateur, né en 1970 à Rennes.

Titulaire d’une licence d’histoire de l’art obtenue à Paris IV, il enseigne le dessin et la peinture en classe préparatoire à l’école municipale d’art Édouard Manet à Gennevilliers.

Il a exposé au Plateau à Paris dans le cadre de l’exposition Voir en peinture, au Grand Palais pour La force de l’art, invité par Éric de Chassey. Il a collaboré pendant plusieurs années avec la galerie Bernard Jordan à Paris et à Zurich, et avec la galerie Nathalie Clouard à Rennes.

Outre plusieurs expositions personnelles en galerie et en centre d’art dont l’Espace de l’Art Concret où il a été en résidence. Il a participé à des expositions collectives en France et à l’étranger comme Immatérialité à Topographie de l’art, Orthogonal à la Red House de Sofia, Corps invisible à la galerie Édouard Manet. Il a réalisé plusieurs commandes dans le cadre du 1% artistique et ses oeuvres ont été acquises par le Frac Franche-Comté et le Cnap.

Plus récemment, il a bénéficié d’une exposition personnelle à l’atelier W à Pantin et à la galerie Éric Linard. Il a également présenté des peintures à la galerie Joseph Tang. Le Frac Poitou-Charentes a fait l’acquisition d’un triptyque et La Frac Bretagne a acquis une série de dessins.

Il prépare actuellement un ensemble de peintures murales pour un laboratoire de recherche de l’Université Toulouse III.

Guillaume Millet vit et travaille à Paris.

Entretien de Guillaume Millet avec Damien Sausset

Tes premières oeuvres, que ce soit les peintures ou les dessins, renvoyaient à un référent souvent puisé dans le réel. Par un jeu sur le cadrage, mais aussi sur le style tu parvenais à maintenir l’oeuvre dans un d’entre-deux entre abstraction et figuration, dans une sorte de suspension entre travail sur la composition et la couleur et tentative de retranscrire un motif autrement. Peux-tu préciser quelles étaient tes intentions à cette époque ?

Peintures et dessins empruntaient des biais assez différents, car la peinture donnait lieu à des formes découpées et très synthétiques alors que le dessin se caractérisait par des formes détaillées et des dégradés.

Pour les peintures, je souhaitais donner à voir des détails du monde auxquels j’avais été sensible à un moment précis. La transposition des formes et de la lumière en aplats noirs et blancs, clairement délimités, suscitaient une vision immédiate et percutante qui pouvait s’imprimer durablement dans la mémoire. La simplification formelle menait ces détails au bord de l’abstraction tout en leur donnant une présence évidente.

Certains dessins fonctionnaient plutôt comme des énigmes. Photographiques et détaillés, ils n’en restaient pas moins difficiles à identifier. Les cadrages successifs, les modifications de la luminosité, l’inversion des valeurs me permettaient d’éloigner les images de l’anecdote et d’en proposer une version subliminale.

Dans les deux cas, les transformations menaient de la photographie à l’abstraction.

Rapidement, ta pratique s’est orientée vers l’analyse des rapports de couleurs, vers une tentative analytique de composer avec les couleurs. Comment s’est opéré ce basculement ?

La disparition du soubassement photographique et le passage à une abstraction franche m’ont soudainement permis de dépasser l’usage exclusif du noir et blanc qui prévalait. J’ai alors développé une peinture constituée de plages de gris dont la luminosité variait selon le pourcentage de noir et de blanc contenu dans les mélanges.

Jusqu’à présent, je n’avais pas vraiment envisagé le noir et le blanc comme des couleurs.

Or je disposais à l’atelier de différents types de noirs et de blancs dont les mélanges donnaient lieu à des nuances de gris que j’ai rapidement regardé comme des teintes.

Les mélanges ne produisaient pas seulement des gris clairs ou foncés, certains noirs donnaient lieu à des gris relativement froids qui tendaient vers le bleu, d’autres donnaient lieu à des gris relativement chauds qui tendaient vers le brun.

Les blancs proposaient également un éventail de nuances et au bout d’un moment, je n’avais plus tout à fait des blancs sous les yeux, mais plutôt des couleurs très claires.

C’est ainsi que la couleur s’est invitée dans mon travail.

La tension entre un regard et une somme de couleurs s’opère toujours dans un rapport avec l’échelle de la toile. Or, même si les échelles semblent assez imposantes, les dimensions sont quant à elle assez restreintes. Comment parviens-tu à cette tension entre échelle et taille ?

Pour les tableaux, les compositions sont structurées par des diagonales qui se déploient au-delà des limites du support. Elles évoquent un espace situé hors-champ qui suppose un monde plus grand que ce qui est visible sur la surface peinte.

Par ailleurs, ces diagonales ne sont pas orthogonales et rarement parallèles, elles ne respectent pas vraiment le cadre rectangulaire du tableau. Aussi, les compositions et les supports ne partagent pas tout à fait le même espace.

Lorsqu’on observe tes oeuvres, on aurait tendance à les rapprocher spontanément de certaines tendances de l’abstraction géométrique. Or, il m’a toujours semblé que ta pratique était en quelque sorte une réactualisation d’un problème très ancien que l’on retrouvait déjà dans la peinture classique puis de façon exemplaire dans certaines réalisations baroques. Quelles seraient ces références ?

La Gallerie dell’Accademia à Venise conserve un petit tableau de Memling que j’ai revu en 2019. Il s’agit d’un portrait de jeune homme peint à l’huile sur bois et daté de 1470-1480.

Cette peinture me fascine car le temps s’y est arrêté. Il s’agit d’un portrait qui ne suggère pas de récit, l’expression du visage évoque une certaine intériorité et le regard du jeune homme paraît suspendu à une pensée dont on ne sait rien. Par ailleurs, le paysage en arrière plan est à l’arrêt, la lumière semble fixe et la facture est incroyablement contenue.

Pourtant, cette peinture est vivante, elle est à la fois synthétique et vivante. De ce point de vue, cette oeuvre de Memling est un exemple de ce que j’attends de mes tableaux. Une référence baroque en lien avec mon travail est moins évidente pour moi.

Pour moi, ta pratique renvoie d’une certaine façon à l’essence même du baroque telle que le définit Deleuze dans « Le Pli » où il affirme que le baroque ne renvoie pas à une essence, mais plutôt à une fonction opératoire, un trait.

« Le baroque n’invente pas la chose : il y a tous les plis venus d’Orient, les plis grecs, romains, romans, gothiques, classiques, mais il courbe et recourbe les plis, les pousse à l’infini, pli sur pli, pli selon pli. »

Le baroque n’est, dès lors, pas simplement ce mouvement esthétique ayant traversé l’Europe à la fin de l’âge classique mais une disposition de l’esprit tournée non pas vers le visible, ou vers l’invisible, mais justement à la frontière entre les deux, à l’endroit même de séparation entre les deux. Et je pense que tout ton art tourne autour de cela et s’inscrit dans ce que Deleuze disait « Le baroque est inséparable d’un nouveau régime de la lumière et de la couleur. »

En cela, tu ne cesses de jouer sur le premier plan, l’arrière-plan, sur la tension entre une teinte froide qui semble reculer dans son jeu avec une autre, délicatement plus chaude que le regard s’y perd et se glisse dans les plis de la peinture. Il y a aussi la question du recouvrement, de la surface, de la ligne. C’est tout cela que je crois repérer chez toi. La présentation des papiers conforte cette analyse tant ils affirment la liberté de jouer sur ces plis, mais autrement. Comment sont nées ces oeuvres, en réaction ou en complément ?

Lorsqu’on parle de plis, je pense immédiatement aux Études de Simon Hantaï qui sont des références importantes. Ceci dit, le pli dont parle Deleuze est couvrant plutôt que déplié.

Recouvrant une surface qui reste en partie visible, il donne à voir et dissimule simultanément. On peut effectivement parler de frontière entre le visible et l’invisible.

On pourrait aussi parler de bord, et pourquoi pas de contour.

À la surface de mes tableaux, les formes juxtaposées dégagent à peu près la même luminosité et cette équivalence lumineuse met les contours sous tension. Le discernement des plans est alors en question.

Concernant la plupart des peintures sur papiers, la référence aux plis est également intéressante puisque je combine des formes qui se superposent les unes aux autres selon un enchaînement qui conduit souvent le regard à l’intérieur des peintures. Cet enchaînement est parfois contradictoire et là aussi, le discernement des plans est en jeu.

Ces peintures sur papier apparaissent assez soudainement en 2018 et répondent au désir de peindre ici et maintenant, sans se soucier des moyens mis en oeuvre jusqu’à présent à l’atelier. Deux ou trois feuilles de papier, quelques pinceaux et quelques couleurs suffisent alors pour produire directement des formes peintes. Cette sous-catégorie à peu près invisible avait plutôt une vocation récréative. Or elle me permet aujourd’hui de profiter de certaines possibilités de la peinture.

Les tableaux d’aspect géométrique induisent des phases préparatoires et des contraintes techniques liées à des formes spécifiques qui supposent une certaine temporalité.

Improvisées et expressives, les peintures sur papiers en sont une contrepartie.

Avril 2023

Millet (Guillaume)


Guillaume Millet est peintre et dessinateur, né en 1970 à Rennes.

Titulaire d’une licence d’histoire de l’art obtenue à Paris IV, il enseigne le dessin et la peinture en classe préparatoire à l’école municipale d’art Édouard Manet à Gennevilliers.

Il a exposé au Plateau à Paris dans le cadre de l’exposition Voir en peinture, au Grand Palais pour La force de l’art, invité par Éric de Chassey. Il a collaboré pendant plusieurs années avec la galerie Bernard Jordan à Paris et à Zurich, et avec la galerie Nathalie Clouard à Rennes.

Outre plusieurs expositions personnelles en galerie et en centre d’art dont l’Espace de l’Art Concret où il a été en résidence. Il a participé à des expositions collectives en France et à l’étranger comme Immatérialité à Topographie de l’art, Orthogonal à la Red House de Sofia, Corps invisible à la galerie Édouard Manet. Il a réalisé plusieurs commandes dans le cadre du 1% artistique et ses oeuvres ont été acquises par le Frac Franche-Comté et le Cnap.

Plus récemment, il a bénéficié d’une exposition personnelle à l’atelier W à Pantin et à la galerie Éric Linard. Il a également présenté des peintures à la galerie Joseph Tang. Le Frac Poitou-Charentes a fait l’acquisition d’un triptyque et La Frac Bretagne a acquis une série de dessins.

Il prépare actuellement un ensemble de peintures murales pour un laboratoire de recherche de l’Université Toulouse III.

Guillaume Millet vit et travaille à Paris.



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